Des œuvres récemment acquises et plus anciennes sont ici rassemblées et se répondent autour de thèmes tels que l’image, l’écriture, la rature ou encore le caviardage.
Avec les œuvres de Raphaël Boccanfuso, Pierre Buraglio, IFP, Ange Leccia, Angelika Markul, Philippe Perrin, Chryssa Romanos, Thibault Scemama de Gialluly, Jacques Villeglé, Jean-Luc Vilmouth
Paraboles, de la rature et de quelques-uns de ses enjeux
Il n’est pas très difficile de trouver sur le net la liste des principales paraboles. Ces récits édifiants qui puisent leurs origines dans les Évangiles. Ils se distinguent des mythes par leur visée morale et ont produit de nombreux sujets ou motifs qui ont inspiré maints artistes. De nos jours, la parabole semble complètement dépassée et plus personne ne semble s’en préoccuper, et si le mot est utilisé c’est pour évoquer les antennes du même nom. Aucun des artistes de cet accrochage ne revendique clairement l’usage de la parabole, seule la réunion des différentes œuvres permet d’évoquer cette figure rhétorique. L’accrochage s’organise autour de l’œuvre de Thibault Scemama de Gialluly. Sa façon d’intervenir sur les images par un procédé s’apparente au caviardage. Cette technique qui consiste à rayer un mot ou à biffer une forme de sorte que l’un et l’une disparaissent sous l’encre, sous la peinture ou simplement l’arrachage ou le grattage met en jeu les principes de description et de spéculation : deviner ce qui se cache ou essayer de reconstituer ce qui a été recouvert grâce à ce qui est encore lisible ou visible. Ce procédé met en valeur les mots ou les formes qui ne sont pas recouverts et qui apparaissent à l’état de ruines. Le caviardage relève autant d’une technique poétique que plastique et appartient à « l’histoire des mots dans la peinture » (Michel Butor) et plus généralement dans l’art. Le caviardage participe complètement de cette profanation de l’iconographie dont parle Thibault Scemama de Gialluly et requiert l’exigence de l’interprétation.
Dès lors qu’il est question de caviardages au MAC VAL, le nom de Pierre Buraglio s’impose légitimement. Depuis fort longtemps, l’artiste avait pour habitude de rayer ou de biffer, selon ses propres mots, les rendez-vous sur ses agendas une fois l’échéance passée. En 1982, conscient aussi des potentialités plastiques d’un tel procédé, il le systématise au point d’en faire une sorte « d’outil visuel », presque aussi identifiable que la fameuse bande de Daniel Buren ou la forme utilisée par Claude Viallat. Il existe également des caviardages ready made ou allographiques : ils sont évoqués par les décollages d’affiches de Jacques Villeglé. Ils réinvestissent le hasard et la poétique de la peau des murs qui pèle et dont les lambeaux réactivent la pulsion du déchiffrage et de l’interprétation. Affiches, cartes de géographie, agendas, ordonnances, vieux livres censurés, lettres expurgées… se prêtent d’une façon remarquable aux caviardages telle une fiction cartographique et éditoriale. Bien malin celle ou celui qui trouverait dans la liste des paraboles autorisées celle que dissimulent les artistes de différentes générations utilisant une même technique. Peut-être que « Paraboles » échafaude le récit édifiant de l’interprétation, de son injonction où la morale d’une sorte de recyclage transforme le rebut en rébus.
Nicolas Surlapierre
Don Hervé Acker
En 2022, le collectionneur Hervé Acker a fait don au MAC VAL de quatre œuvres produites respectivement par les artistes Jean-Luc Vilmouth, Philippe Perrin, Ange Leccia, et par le collectif IFP (Dominique Pasqualini, Jean-François Brun et Philippe Thomas). Lorsqu’il acquiert ces œuvres au début des années 1990, Hervé Acker souhaite soutenir de jeunes artistes, marqués notamment par le dynamisme de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Grenoble. Jean-Luc Vilmouth et Ange Leccia y sont alors enseignants et Philippe Perrin étudiant. À cette même époque, IFP, acronyme d’Information Fiction Publicité, se présente sous la forme novatrice d’une « agence », dont les productions pourraient être celles d’une marque ou d’une entreprise fictive.
Si les pratiques et problématiques développées sont singulières, ces artistes nés dans les années 1950-1960 ont pour point commun d’avoir marqué leur génération par des thématiques qui se rejoignent : de nouveaux formats d’exposition ou encore une vision renouvelée du statut de l’œuvre d’art et de l’artiste. À l’ère des médias de masse et des technologies de la communication, ils questionnent le rôle des images qui inondent notre quotidien. La reprise et le détournement d’objets manufacturés sert ici une réflexion sur la production et la diffusion de ces images.
Il n’est pas très difficile de trouver sur Internet la liste des principales paraboles, ces récits puisant leurs origines dans les Évangiles. Ils se caractérisent par leur visée morale et ont inspiré maints artistes. De nos jours, la parabole paraît complètement dépassée et plus personne ne semble s’en préoccuper, si ce n’est pour évoquer les antennes du même nom.
Aucun des artistes exposés ne revendique clairement l’usage de la parabole, seule la réunion des différentes œuvres permet de l’évoquer. « Paraboles » s’organise principalement autour de l’œuvre de Thibault Scemama de Gialluly dont le procédé artistique s’apparente au caviardage. Cette technique consiste à effacer un mot ou une forme par la rayure, la biffure ou simplement par l’arrachage ou le grattage. Elle met aussi en jeu les principes de description et de spéculation en nous incitant à deviner ce qui se cache ou à essayer de reconstituer ce qui a été recouvert. Le caviardage relève autant d’une technique poétique que plastique et appartient à « l’histoire des mots dans la peinture » (Michel Butor) et plus généralement dans l’art. Dès lors qu’il est question de raturages, le nom de Pierre Buraglio s’impose légitimement. Son habitude de rayer ses rendez-vous passés de ses agendas devient un procédé artistique dès 1982 quand il prend conscience de cet intérêt plastique. D’autres artistes ont exploré l’effacement et à la suppression tels que Jacques Villeglé avec le décollage d’affiches ou encore Raphaël Boccanfuso qui reproduit et recouvre des feuilles de soin. Angelika Markul explore quant à elle la question du récit et des images, essentiels dans les paraboles.