« Le genre idéal »

En principe, une tentative d’épuisement
A partir du 21 mars 2025

Chronique d’une exposition Les 20 ans du MAC VAL, un anniversaire visionnaire

Il y a 20 ans, le MAC VAL ouvrait ses portes. L’anniversaire du musée représente l’occasion de confirmer la qualité d’un patrimoine, preuve d’une sédimentation experte et remarquable de plus de 40 ans d’acquisitions pour une collection unique. C’est aussi l’occasion de réaffirmer l’expression d’un musée renouvelé et ouvert sur l’avenir.
Le nouvel accrochage est le résultat d’un large commissariat partagé : la sélection des œuvres offerte au regard du public a été conçue de façon inédite et collégiale avec l’ensemble des équipes du musée.
Régulièrement réunis en ateliers, les propositions, choix, débats et sélections ont fusé, tempêté, réjouis et finalement été consentis. Les visiteuses et visiteurs auront donc la joie de découvrir ou de redécouvrir des œuvres symboliques de la collection. Le parcours se veut ainsi être un appel aux souvenirs, émotions et découvertes que toutes et tous avons pu partager en 20 ans de vie au MAC VAL.


Née d’une politique départementale de soutien aux artistes mise en œuvre dès 1982, la collection du MAC VAL a pour singularité « l’art contemporain en France depuis les années 1950 ». La collection s’est dotée au fil des années d’un unique et fort caractère permettant la rencontre d’artistes incontournables et émergents. Cette dernière est présentée de façon renouvelée tous les 18 mois environ : une manière de redécouvrir les œuvres dans une thématique, un contexte et une approche actualisés.
Au printemps 2025, le MAC VAL imagine un parcours consacré à la hiérarchie des genres et aborde cette vaste thématique à travers le prisme d’œuvres issues de la collection du musée. En 1667, l’historien de l’art André Félibien pose la hiérarchie des genres dans la préface de ses Conférences de l’Académie Royale de peinture et de sculpture. Il instruit les préceptes qui régiront la peinture académique et instaure par là même l’idée de genres nobles et de sous-genres où le sujet prime sur la maîtrise technique ou la facture.
Le parcours « Le genre idéal. En principe, une tentative d’épuisement » aborde avec espièglerie chacun des cinq genres de cette hiérarchie : la peinture d’histoire, le portrait, la scène de genre, le paysage et la nature morte.

Commissariat Nicolas Surlapierre
Co-commissariat Yuan-Chih Cheng, Anaïs Linares, Margaut Segui et toutes les équipes du MAC VAL

Le mot du commissaire général, Nicolas Surlapierre

« Il n’est peut-être pas superflu de faire un bref rappel de ce que fut la hiérarchie des genres et d’évoquer quelques-unes de ses principales évolutions jusqu’au XXIe siècle. L’historiographie décerne la paternité de la hiérarchie des genres à Félibien. Il a appartenu à Daniel Arasse d’apporter une précision qui n’est pas inutile[1]. Il a rappelé que la volonté de théoriser la hiérarchie des arts qui existaient sans être clairement formalisée depuis l’Antiquité était « une riposte » de l’Académie face à un marché de l’art et à la création qui avait valorisé des genres dit mineurs comme le paysage ou la nature morte. Il s’agissait bien d’un rappel à l’ordre théorique qui devait pratiquement jusqu’à nos jours prévaloir dans le système de l’enseignement et donc avoir des répercussions majeures sur l’art même. Les catégories qui prévalent à la hiérarchie des genres à savoir au sommet de celle-ci la peinture d’histoire, le portrait, la scène de genre, le paysage et la nature morte allaient jouer un rôle déterminant par la suite dans l’enseignement des Beaux-Arts, la hiérarchie des genres répondait aux mêmes logiques que la rhétorique du Grand Siècle. Elle devait convaincre de la supériorité d’un sujet (ou d’un genre sur un autre) et asseoir ainsi le système d’enseignement de l’art, c’est pourquoi il faut longtemps associer à une forme d’académisme. Daniel Arasse précisait que Félibien, dans sa fameuse préface, n’utilisait jamais le terme de genre en lui préférant celui de sujets. Ce n’est que plus tard que la question du genre fut posée par d’autres théoriciens de la peinture. »
Nicolas Surlapierre, extrait du catalogue.

L’exposition témoigne en ce sens de la survivance inconsciente de cette classification en art contemporain et déploie, tout médium confondu, un large ensemble de dessins, de photographies, de peintures, de sculptures et d’installations mixtes. Fidèle à sa vocation de soutien aux artistes et à la création, le parcours comprend également plusieurs œuvres tout récemment acquises.
Afin de prendre le contre-pied de la classification telle que formulée par Félibien, l’exposition débute par le genre considéré comme mineur : la nature morte et se conclut par le « grand genre », la peinture d’histoire, effaçant ainsi toute notion de hiérarchie de genre, majeur ou mineur, primaire ou secondaire, noble ou trivial. _ Chaque expression devient un art éternel d’autrefois, de maintenant et d’après. « À l’époque moderne, la hiérarchie des genres entre les arts n’était plus motivée par l’ambition autoritaire de l’Académie. Les artistes modernes et contemporains contrecarraient presque tout ce que le système des beaux-arts et de la peinture avait pu transmettre et pourtant ne rompaient pas dans les faits avec un tel type de classement, ils hybridaient parfois insérant dans des scènes de genre des natures mortes, ou dans des paysages des portraits. Le sujet était encore une valeur sûre, excluant d’ailleurs au passage les œuvres sans sujet, même à sa manière la performance relevait parfois de la scène de genre, parfois du portrait ou de l’autoportrait. »

Les travaux d’artistes des années 1950 à 2025 se côtoient et rendent compte de l’évolution des représentations. Chaque genre est alors transfiguré par des enjeux contemporains à travers une déclinaison où la nature morte devient « les biens », le paysage « les saisons », la scène de genre « les gestes », le portrait « les gens », et enfin la peinture d’histoire « les heures ». Une tentative donc de classer, à la manière « félibienne », les œuvres issues de la collection du MAC VAL, qui se transforme en une « tentative d’épuisement », comme celle initiée par Georges Perec qui, en flâneur immobile depuis la place Saint-Sulpice, décrit « le reste : ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages. »

Artistes

Avec les œuvres de Mathieu Kleyebe Abonnenc, Boris Achour, Etel Adnan, Roy Adzak, Dove Allouche, Pierre Ardouvin, Bianca Argimón, Arman, Étienne Armandon, François Arnal, Kader Attia, Bertille Bak, Gilles Barbier, Éric Baudart, Valérie Belin, Frédéric Benrath, Julien Berthier, Amélie Bertrand, Étienne Bossut, Halida Boughriet, Anne Brégeaut, Brognon Rollin, Elina Brotherus, Mark Brusse, Alain Bublex, Pierre Buraglio, Damien Cabanes, Ali Cherri, Claude Closky, Philippe Cognée, Pascale Consigny, Pascal Convert, François-Xavier Courrèges, Olivier Debré, Anne Deguelle, Benjamin Demeyere, Quentin Derouet, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, François Dufrêne, Éric Duyckaerts, Erró, Sylvie Fanchon, Malachi Farrell, Philippe Favier, Valérie Favre, Clara Fontaine, Jakob Gautel, Ara Güler, Claire Hannicq, Laura Henno, Suzanne Husky, Neïla Czermark Ichti, Pierre Joseph, Valérie Jouve, Piotr Kowalski, Carlos Kusnir, Denis Laget, Laura Lamiel, Ange Leccia, Rainier Lericolais, Élodie Lesourd, Philippe Mayaux, Mathieu Mercier, Annette Messager, Olivier Millagou, Lahouari Mohammed Bakir, Jacques Monory, Roman Moriceau, Morvarid K, Jean-Luc Moulène, Netto, Jean-Christophe Norman, Antoinette Ohannessian, Vincent Olinet, ORLAN, Lucien Pelen, Laurent Pernot, Bruno Perramant, Françoise Pétrovitch, Éric Poitevin, Daniel Pommereulle, Présence Panchounette, Laure Prouvost, Enrique Ramírez, Judit Reigl, Germaine Richier, Gwen Rouvillois, Alain Séchas, Bruno Serralongue, Société Réaliste, Daniel Spoerri, Peter Stämpfli, Nathalie Talec, Tsuneko Taniuchi, Barthélémy Toguo, Roland Topor, Patrick Tosani, Thu-Van Tran, Agnès Varda, Jean-Luc Vilmouth, Catherine Viollet, Hugh Weiss…

Œuvres