Aung Ko
Métro Mémoire, 2022
vidéo

Nge Lay et Aung Ko

Nge Lay et Aung Ko MAC VAL 2022 Photo © Celia Pernot-CD94
Nge Lay et Aung Ko
MAC VAL 2022
Photo © Celia Pernot-CD94

Nge Lay et Aung Ko ont fui la Birmanie en 2021. Leur départ fait suite au coup d’état de février de cette même année et à la mise en place d’un gouvernement autoritaire par la junte militaire birmane. Menacés de mort en raison de leur statut d’artiste et de leur engagement pacifiste, ils laissent derrière eux familles, amis et effets personnelles. Accueillis au MAC VAL avec leur fille Dalhia, Nge Lay et Aung Ko poursuivent, depuis l’été 2021, entre démarches administratives, créations et rencontres artistiques, leur lutte pour un retour à la paix et la libération de la dirigeante Aung San Suu Kyi. Leur démarche artistique est profondément marquée par cette situation. Créer dans ce contexte leur permet d’alerter sur les menaces, exactions et censures commises par la junte militaire.

Nge Lay
Dans une démarche empreinte de spiritisme, Nge Lay arpente les territoires qui l’entourent. S’y plongeant pleinement, elle en tire des images, dans lesquelles sont confrontées multiples temporalités qui au bout du compte se confondent. Pour elle, les mutations culturelles et politiques mondiales nous affectent physiquement et psychiquement. Ainsi, les photos anciennes sont envisagées comme remèdes pouvant éclairer cette diversité entre passé et présent. Ses productions, telles que « Endless Story », série de photographies débutée en 2012 à Yangon (Ragoun), se caractérisent par une juxtaposition d’images où le passé rejoint le présent.
L’arrière-plan se compose généralement d’une ancienne photographie en noir et blanc ou d’une vieille carte postale trouvée au marché aux puces, chez les antiquaires ou dans les différentes archives locales. Les images sélectionnées donnent souvent à voir les traces et les stigmates passés des périodes coloniales.
Sur cette photo ancienne, Nge Lay superpose un cliché plus récent en couleur, mettant en scène les sujets en correspondance avec la prise de vue initiale. Les sujets et les formes ainsi confondus créent des liens et dialogues entre les différentes images. Les contours des personnages et des visages deviennent flous, au point de disparaître. L’artiste joue sur la ligne entre le passé et le présent, époques dans lesquelles les règles sociales et les traditions sont différentes, ce qui lui permet de souligner la difficulté à se comprendre pleinement les uns les autres. _ La confusion déroutante de ces différentes temporalités, figures ou bâtiments reflète ce processus de travail de la mémoire individuel ou collectif.
La question de la femme et des inégalités subies en tant qu’artiste femme est également très présente dans sa démarche. Par exemple, dans la série « Female Identity » (2010), l’artiste a photographié des corps féminins nus et imparfaits, se concentrant sur leur sexualité. Le corps est volontairement représenté de manière crue, révélant les rides, les traces, la vieillesse et les cicatrices ; toutes ces caractéristiques qui sont exclues des canons de beauté de la féminité. En Birmanie, cette incursion dans la nudité féminine est profondément provocante, voire tabou. Cette série encourage à s’accepter tel que nous sommes.

« Mémoire fragmentée »
Avec « Mémoire fragmentée », Nge Lay poursuit son travail sur l’histoire, la mémoire et l’environnement, un processus au long cours qu’elle a également réalisé en Indonésie et au Cambodge. Après avoir consulté et photographié les portraits et paysages datant de la fin du XIXe siècle, conservés aux archives municipales de Vitry-sur-Seine, elle a organisé des séances photo avec les habitants et plus particulièrement ceux du quartier du Plateau. Ces images ont été superposées à de vieilles photos de familles conservées par les habitants et à d’anciennes images de Vitry-sur-Seine afin de donner à voir autant de personnages, aux identités multiples mais toutes singulières installées sur ce territoire. Ces photographies ont été ensuite cousues sur tissus au format variable grâce à la collaboration avec une association de couture locale.

Aung Ko
Diplômé de l’Université de Yangon, Aung Ko débute sa carrière comme peintre. Progressivement, sa pratique s’oriente vers la sculpture, la photographie et la vidéo. À travers ces différents médiums, il s’attache à observer et retranscrire l’évolution des matériaux naturels, recyclés ou réemployés comme le bambou ou autres éléments végétaux et minéraux. Les bouleversements politiques qui impactent la Birmanie, tout comme ceux causés par le dérèglement climatique, sont au cœur de ses préoccupations. Les paysages de son village natal et les traumatismes générés par les guerres civiles successives viennent nourrir sa pratique.
Soucieux du statut de l’artiste dans un territoire marqué par la censure, ils créent en 2007 avec Nge Lay sa compagne, la biennale d’art « Thu Ye Dan Event », rebaptisée en 2009 « Thu Ve Dan Village Art Project ». Le but est de réunir artistes locaux, nationaux et la population locale autour de projets artistiques au sein de son village natal, situé à 250 km de Yangon, capitale économique de la Birmanie. En 2008, il a participé à la Biennale de Singapour, puis en 2009, à la 4e Triennale d’art asiatique à Fukuoka (Japon). En 2014, Aung Ko a participé à l’exposition « Vent de Forêt » au Palais de Tokyo.
En Birmanie et durant ses voyages en Indonésie, en Italie ou encore au Japon, Aung Ko a pris pour habitude de filmer son environnement quotidien. Il considère ses films comme un journal de souvenirs.
Certaines vidéos tournées en Birmanie évoquent le travail traditionnel local du bambou. Vouée à disparaître, cette activité l’intéresse au titre de témoignage culturel de croyances et de pratiques traditionnelles locales.
Dans cette volonté de témoigner, lors de sa résidence au MAC VAL, Aung Ko a filmé des habitants de Vitry-sur-Seine, Ivry-sur-Seine, Champigny-sur-Marne, Créteil, Paris ainsi que leurs territoires alentours. Ces films mêlent portraits et paysages qu’il a vu évoluer depuis son arrivée en août 2021.
De cette manière, il concrétise son souhait d’intégrer les récits des habitants issus de nationalités et cultures différentes, à sa propre narration, produisant ainsi un récit collectif.

Un même projet a également été mené au Japon en 2013 au 3331 ART Chiyoda. Pour Aung Ko, dessiner des portraits, les filmer ou les sculpter est une manière de rentrer en connexion avec l’autre. C’est son outil pour faciliter la compréhension des autres, lorsqu’il n’existe pas de langage commun pour communiquer.