Cécile Bart

Cinq éléments, Tergal, châssis aluminium, cadre peint, 210x290 cm (chacun).
Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France.
© photo Jacques Faujour

Notice

Cécile Bart est peintre, de la couleur, de l’espace, de l’air, des lieux dans lesquels elle inscrit ses peintures. La mise en situation des œuvres dans l’espace induit une relation de réciprocité, de résonance : ses œuvres marquent autant le lieu qu’elles s’en imprègnent et le reflètent. Cette relation de complicité à l’espace existe depuis le tout début de ses recherches. Alors qu’elle est encore étudiante à l’École des beaux-arts de Dijon au milieu des années 1980, Cécile Bart définit les matériaux qui vont composer son œuvre. Ses premiers travaux sont des projections de lumière sur des écrans de voile transparents : déjà la peinture est écran, reçoit et diffuse la lumière.

Dès 1986, son vocabulaire formel est en place : l’écran, la peinture, la lumière, la couleur, la référence à la fenêtre et la place du visiteur. Mais aussi sa façon de créer ses œuvres : rien ne préexiste, chaque œuvre sera inventée avec un lieu, pour ce lieu. Les peintures/écrans sont abstraites, c’est-à-dire sans figure inscrite, et monochromes : un voile Tergal plein jour, transparent, peint, teinté de couleur. Le procédé de fabrication est toujours le même, systématique mais sensible, car « fait main » : le voile est teinté au pinceau, la couleur pénètre la matière, chaque fois différemment en fonction du nombre de couches, de leur superposition. La matière devient couleur. Le voile est ensuite tendu sur un châssis aluminium. En 1989, Cécile Bart invente les peintures/collages, cette même matière marouflée sur les murs.

Pour le MAC/VAL, Cécile Bart a proposé un ensemble de peintures qui invente un nouveau rapport au lieu, jouant avec la lumière, révélant la fenêtre en la recouvrant. D’autres sont des cadres vides, des espaces à remplir, une peinture en devenir. Enfin, un « de guingois » est posé sur un angle, telle une figure qui attend, épaule contre le mur. C’est une peinture qui demande à être envisagée, investie.

L’écran est ici surface peinte, matière de peinture vibrante sous certains angles de vision ; il est aussi cadre sur le paysage, lieu d’inscription de ce qu’il recouvre : il laisse transparaître, il fait voir autrement. La peinture/écran est en réaction au monde, inscrivant le visiteur (celui des salles, celui du jardin) dans l’espace de l’œuvre. Le spectateur a un rôle essentiel : c’est par son déplacement qu’il fait se transformer la peinture ; de surface opaque, de peau, elle devient filtre de couleur, machine à modifier le paysage. Enfin, lui devient figure dans la peinture par sa présence en transparence, ou dans le cadre.

Dans une référence substantielle à Maurice Merleau-Ponty, Cécile Bart met en place la rétroversion du regard : « Je regarde le monde mais en même temps le monde me regarde. » La peinture est à double sens, elle crée une fenêtre sur le monde et le monde s’y inscrit de même. Comme la lumière, dans sa peinture, « le réel est pris au piège ».

A.F.